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The Winged Enchantment Oracle Deck (Lesley Morrison, Lisa Hunt)
Texte : Lesley Morrison
Illustrations : Lisa Hunt
Éditeur : U.S. Games Systems, Inc.
Présentation
Le jeu est contenu dans un étui en carton souple particulièrement soigné. L’éditeur a en effet pris le parti de mettre en relief le travail de Lisa Hunt, ce qui est déjà un indice du caractère artistique que l’on a voulu donner à cet oracle. Dans la boîte est également inclus le traditionnel livret accompagnateur, qui a lui aussi été préparé et produit avec le plus grand soin.
Les cartes
Qualité et travail artistique
Au nombre de trente-neuf, les cartes sont d’excellente qualité et sont imprimées sur un carton suffisamment épais et résistant pour ne pas s’abîmer à la moindre manipulation. Plus grandes que des cartes de tarot de taille standard, elles sont le support adéquat pour admirer le travail artistique qui a été engagé ici par Lisa Hunt. Celui-ci est d’ailleurs mis en avant par l’éditeur d’une façon remarquable tant la qualité de l’impression a été soignée. Les détails, les couleurs et les effets de lumière sont d’une grande netteté et l’on peut contempler toutes les nuances contenues dans les illustrations. Voilà qui, dès le premier coup d’œil, présage d’un jeu de qualité, tant dans la réalisation que dans l’approche divinatoire que l’on peut en attendre.
Sur le plan artistique, Lisa Hunt s’est surpassée. Pas une illustration n’est en dessous des autres en termes de travail et de rendu visuel, et l’on ose à peine imaginer le temps qu’a dû nécessiter l’élaboration de chacune d’entre elles.
Le fil conducteur
Malgré la grande diversité des traditions auxquelles ce jeu emprunte, les cartes comportent toutes une trame commune qui donne l’idée générale de cet oracle : celle de la transformation. Ainsi, humains et oiseaux ne font plus qu’un dans un formidable élan de métamorphose, qui constitue le fil conducteur principal de cet ensemble.
Comme son nom l’indique, les oiseaux et la magie sont au cœur de cet oracle. Chaque carte dépeint donc un oiseau différent et en met en avant les caractéristiques qui lui sont attribuées dans la tradition à laquelle il s’apparente. On couvre ainsi de nombreuses cultures, ce qui permet de représenter diverses visions du monde et de la mythologie des oiseaux.
L’aspect magique prend des formes multiples. Tout d’abord, chaque carte montre une figure humaine où se mêlent des éléments propres à la morphologie des oiseaux. Ainsi, il n’est pas rare de voir des robes ou des coiffes faites de plumes, ou d’observer que les traits humains se muent en les attributs physiques des oiseaux associés aux cartes. On constate alors que certains personnages se transforment littéralement en l’oiseau qu’ils accompagnent… ou plutôt dont ils incarnent la forme humaine ! Car c’est là que réside tout l’enchantement promis par le titre de l’oracle : les silhouettes que l’on prend à première vue pour des hommes et des femmes sont bien plus que cela puisqu’elles sont en réalité les esprits de la Nature qui représentent l’essence de chacune des espèces auxquelles il est fait allusion. C’est pourquoi un bras prend parfois la forme d’une aile, un œil humain devient celui d’un oiseau, un nez se change en bec ou des plumes couvrent la peau.
Une fenêtre ouverte sur la mythologie aviaire
Le Condor
De la même manière que les personnages deviennent des oiseaux sur le plan physique, ils prennent également les traits de caractère qui sont habituellement attribués aux différentes espèces. Par exemple, le Condor (5) est particulièrement impressionnant. Le visage qu’il revêt est effrayant, comme la mort et le changement auxquels il fait allusion. Il incarne la violence du changement qui s’impose et auquel nul ne peut se soustraire, mais son attitude guerrière l’assure de toujours se relever et lui donne la force d’aller de l’avant.
Cette détermination à vaincre toutes les épreuves se voit à travers la manière dont Lisa Hunt a travaillé l’illustration : les couleurs évoquent la nuit et les ténèbres dans le décor qui entoure le personnage et l’oiseau ainsi que dans les plumes de ce dernier, mais aussi la lumière dans le visage du personnage, et en particulier dans son œil flamboyant dont la pupille est absente. C’est en se battant pour éradiquer les ténèbres et en les dépassant que l’on peut atteindre la lumière, et cette notion est fort bien dépeinte ici. De plus, si l’on regarde attentivement l’image, on voit que le visage et l’oiseau sont tournés vers la partie lumineuse du décor – qui se trouve en bas à gauche –, laissant l’obscurité derrière eux.
La Corneille
La Corneille (7) est tout aussi intéressante dans le traitement qui en est proposé. L’influence est ici clairement amérindienne, tant dans la figure de l’Ancien que dans cette du danseur. Leurs attributs faits de plumes arrangées en parures ainsi que les chausses du danseur et sa position sont quelques-uns des indices qui les relient à cette culture. Les autres se trouvent dans la disposition générale des éléments de la carte en transcrivent la symbolique de l’oiseau dont il est question.
Ainsi, on remarque que le décor comporte deux plans : celui où l’on voit l’Ancien, soit le plan supérieur – sacré –, et le plan où le danseur effectue son rituel, c’est-à-dire le plan profane, humain. Cette carte est d’ailleurs la seule où l’on peut voir deux personnages de manière aussi nette, ce qui met l’accent sur la présence des deux plans de l’existence dont il vient d’être question. Ces deux plans se différencient d’abord par les teintes choisies pour chacun d’eux : le plan sacré, qui occupe la partie supérieure de l’image, est représenté en bleu nuit et violet profond pour évoquer la spiritualité et le mystère, l’aspect caché habituellement associé à ce plan inaccessible à l’humain ; le plan profane apparaît quant à lui dans des couleurs dorées, porteuses de lumière.
La frontière entre les deux plans n’est pas clairement délimitée et n’est donc pas présentée comme une ligne infranchissable, bien au contraire. Elle est suggérée par les personnages, qui se trouvent donc en quelque sorte à la limite de leurs plans respectifs. L’Ancien occupe la partie supérieure de l’image. Si son œil droit est celui d’un humain, son œil gauche est en revanche celui de la Corneille, dont il incarne l’esprit. Ses cheveux longs ont la couleur des plumes qu’il porte en pendants d’oreilles, confirmant qu’il ne fait plus qu’un avec l’oiseau. On remarque également que son visage est marqué par le temps, comme le montrent les rides qui évoquent également sa grande sagesse et sa connaissance des choses cachées. Le danseur est quant à lui bien humain et procède à un rituel pour appeler l’esprit de la Corneille : il porte une tête d’oiseau en guise de masque et a façonné des ailes avec de grandes plumes qu’il a fixées à ses bras. Il danse, des corneilles à ses pieds.
La disposition des oiseaux sur cette carte est très intéressante en cela qu’elle met en avant les principales qualités attribuées à cette espèce. Si deux corneilles sont posées au sol, les autres, en plein vol, se suivent et forment un chemin qui descend du plan sacré pour venir sur le plan profane. Voilà qui démontre que le rituel du danseur fonctionne puisque les corneilles se manifestent à lui, accompagnées de l’esprit qui les protège, mais aussi que les corneilles sont le lien entre les deux plans. En effet, ce sont elles qui montrent la voie au danseur pour qu’il puisse s’élever spirituellement et, en tant que chemin reliant les deux plans de l’existence, elles le mènent à une meilleure compréhension du monde qui l’entoure. Ainsi, les oiseaux insistent sur les connexions entre les deux plans – et donc entre toute chose –, aidant le danseur à s’ouvrir au Monde et à devenir pleinement conscient de ses multiples trésors et subtilités.
La Chouette
La Chouette (24) prolonge l’exploration des mystères et des aspects cachés du Monde et de l’âme, représentés ici par la nuit, qui apparaît comme un troisième personnage sur cette carte. Elle est en effet omniprésente ici, que ce soit à travers l’oiseau dont la période d’activité est nocturne ou dans les couleurs sombres et profondes qui dominent l’illustration.
Ici, l’oiseau est intrinsèquement lié à la nuit, car c’est bien l’association des deux qui permet de dépeindre les différentes notions véhiculées par la carte. L’obscurité de la nuit dissimule les éléments que l’on voit clairement en plein jour et leur donne une tout autre apparence. La manière dont on les perçoit est alors modifiée et les choses révèlent d’autres aspects d’elles-mêmes. Dans ces conditions, difficile de se fier à ses sens, et en particulier à sa vue. C’est là qu’intervient une autre forme de sensibilité, qui nous pousse à faire preuve de discernement et à faire confiance à notre intuition. Or, c’est l’une des principales idées véhiculées ici par la Chouette. Que ce soit dans la mythologie ou dans la culture populaire, cet oiseau majestueux représente la sagesse et est lié au mystère et à l’intuition. Ses yeux perçants lui permettent de distinguer parfaitement ce qui est dissimulé par la nuit.
Ces notions se retrouvent dans le plan supérieur de l’image (délimité par les ailes déployées de l’animal situé dans la partie centrale de l’illustration), où l’on voit une tête de chouette qui s’estompe pour se fondre dans le paysage nocturne. L’œil droit de l’animal est bien visible, lumineux, et semble fixer le spectateur. L’œil gauche quant à lui apparaît dans les mêmes tons que le paysage, comme une ombre, et passe à l’arrière-plan. Voilà qui montre que la chouette appartient à la fois au monde visible et au monde invisible : elle fait office de lien entre les deux et peut passer de l’un à l’autre. Elle a donc accès aux mystères de chacun des deux mondes, et les arbres sans feuilles qui constituent la végétation que l’on voit dans les ténèbres évoquent l’idée selon laquelle le parcours vers la compréhension de ces mystères est ardu et jonché de difficultés. Malgré les apparences peu engageantes, la récompense vient à qui persévère car voir au-delà de ce que l’on perçoit en surface relève d’efforts car l’entreprise peut s’avérer effrayante.
D’après la Chouette, difficile, donc, de s’en remettre à ses sens habituels, notamment à la vue. L’oiseau invite donc à en appeler à l’intuition, qui est ici représentée par la tête humaine se trouvant sous l’aile gauche de l’animal en vol. Si le visage est marqué par des plumes pendant à ses oreilles et du duvet poussant sur son front, on remarque également que le personnage porte au milieu du front un œil de chouette. Ceci est très intéressant car c’est habituellement là que l’on place le troisième œil, c’est-à-dire l’œil invisible qui, lorsqu’il est ouvert, libère l’intuition. Ici, c’est certainement la chouette dont les ailes sont déployées qui donne l’impulsion nécessaire à cette ouverture, comme le suggère le mouvement des feuilles et de l’air. Les yeux humains du personnage sont fixes comme s’il était en pleine méditation tandis que son troisième œil est ouvert et lui donne la capacité de voir au-delà des apparences et des illusions, et par conséquent celle de libérer son intuition et de percer les mystères de l’obscurité.
Le Corbeau
Le Corbeau (28) est remarquable sur le plan artistique. Une figure féminine se tient au centre de la carte et lève ses bras à mi-hauteur. Le paysage autour d’elle se divise en plusieurs parties. Au-dessus des bras du personnage sont représentés le jour et la nuit, séparés par sa chevelure. La nuit, symbolisée par la pleine lune et le ciel bleu foncé, se trouve à la droite de la figure tandis que le jour, dépeint par le soleil et un ciel doré, est à sa gauche. En-dessous des bras du personnage, c’est-à-dire sur la moitié inférieure de l’image, on peut voir une illustration des saisons qui se succèdent. Ainsi, on passe de l’hiver au printemps (côté nuit), puis à l’été et à l’automne (côté jour).
Tous ces éléments pointent vers l’idée du changement et de la connexion entre les différentes étapes de l’évolution des choses, mais aussi entre les différents plans de l’existence. Qu’il s’agisse du passage du jour à la nuit ou de l’enchaînement des saisons, tout dans cette carte indique le mouvement, y compris la manière dont la figure féminine est dépeinte. Sa longue chevelure flotte et s’élève derrière elle, semblant se prolonger pour se fondre dans les teintes du ciel. La façon dont elle se tient et dont son regard fixe un point devant elle évoque la notion de déplacement. Sa robe est également très intéressante car elle prend racine en les branches qui s’élèvent des arbres du décor des saisons et ses contours ne sont pas clairement définis. En effet, ses pans abritent les saisons mais aussi des corbeaux qui, à mesure qu’ils s’élèvent, se muent en végétaux issus des bras de la tunique. Les oiseaux sont aussi des motifs du vêtement. De même, ils habitent sa chevelure, et l’un d’entre eux est posé sur son index droit tandis que d’autres encore se dirigent vers elle. On remarque également que l’animal le plus imposant se tient au-dessus de sa tête et regarde dans la même direction qu’elle, semblant tout aussi déterminé à aller de l’avant.
Enfin, la position centrale du personnage n’est pas anodine puisque comme tout ce qui a été souligné jusqu’à présent, elle traduit les différentes notions véhiculées par la carte. Elle constitue le lien entre les éléments représentés et incarne la façon dont ils sont connectés les uns aux autres. Elle est le changement et à ce titre elle fait office de portail entre chacune des choses qui l’entoure. Or, c’est l’un des rôles habituellement attribués au corbeau dans différentes mythologies, et notamment chez les Germano-Scandinaves où les deux compagnons d’Odin, appelés Huginn et Muninn (ce qui signifie en vieux-norrois « pensée » et « mémoire ») vont et viennent entre les mondes et les différents plans de l’existence. Ainsi, ils relient comme dans d’autres mythologies le monde des vivants et celui des morts, ce qui en fait des animaux psychopompes.
Par ailleurs, le fait que les saisons prennent forme dans les pans de la robe et dans le sillage du personnage évoque la matérialisation de la pensée. Ainsi, la pensée en mouvement devient concrète et s’exprime à travers les choses qu’elle permet de rendre visibles sur le plan matériel. Voilà qui fait du Corbeau une carte très riche qui couvre plusieurs aspects de la mythologie de cette espèce.
Si ces cartes sont connectées à l’obscurité, à l’exploration des profondeurs de l’être et aux batailles intérieures ainsi qu’à des aspects qui peuvent parfois effrayer, d’autres, comme le Merlebleu (3), la Colombe (8) ou le Rouge-Gorge (29) sont au contraire en apparence plus légères et délivrent une sensation d’apaisement et de tranquillité.
Le Merlebleu
Ainsi, le Merlebleu (3) dégage une grande douceur. Le visage du personnage féminin est paisible et tout autour de lui suggère la légèreté de l’esprit et la tranquillité. L’ensemble de la carte est dominé par des tons bleu clair et dorés, et la grande variété des nuances met en valeur l’incroyable luminosité qu’a réussi à incorporer l’artiste à cette illustration. Bien que la lumière soit présente en plusieurs endroits, elle est particulièrement concentrée en-dessous du personnage et entre sa main gauche et son visage. C’est là, en effet, que se trouve une sorte de spirale de lumière dont semble prendre soin la figure féminine, aidée des oiseaux qui volent autour d’elle. Il s’agit de la lumière du renouveau et de la reconstruction de soi après de difficiles épreuves. Cette spirale de lumière est l’énergie vitale qui donne la force de passer outre les difficultés en acceptant le changement. Elle est ce qui mène à la paix intérieure et vers une existence meilleure.
Comme sur chaque carte, le personnage à forme humaine déploie un certain nombre d’attributs propres à l’oiseau qu’il représente. Ici, des plumes de merlebleu lui couvrent les épaules et sa chevelure arbore les mêmes nuances que le plumage de l’oiseau. On remarque également l’élégance avec laquelle les plumes qui façonnent son vêtement se prolongent en oiseau à travers la tête qui est posée sur son épaule droite. Celle-ci semble ne former qu’un seul élément avec les plumes, renforçant ainsi l’idée d’un esprit incarnant cette espèce. De plus, la manière dont le bec de cet oiseau rejoint celui du merlebleu posé sur la main gauche de la femme est très subtile, car cette disposition permet de contenir la spirale de lumière dans une sorte d’écrin protecteur formé par l’esprit et les deux oiseaux. Enfin, les fleurs qui s’épanouissant en pleine lumière donnent un mouvement d’élévation à l’ensemble de l’illustration, symbolisant ainsi la libération de l’âme, la paix retrouvée et le passage à une existence meilleure.
La Colombe
La Colombe (8) apaise par l’harmonie qu’elle irradie. Les couleurs utilisées s’inscrivent dans la continuité les unes des autres, évoquant l’idée selon laquelle les choses et les êtres sont connectés les uns aux autres dès lors qu’ils présentent des caractéristiques communes. La douceur et la joie se lisent sur le visage de la jeune fille qui incarne l’esprit de la Colombe. Par ailleurs, le mouvement qui l’anime la montre en train de s’élever car les difficultés sont désormais derrière elle. On remarque qu’elle paraît poussée dans son élan par les onze colombes qui volent derrière elle et qui semblent la faire bénéficier de l’énergie qu’elles dégagent. Voilà qui montre que l’union fait la force et peut créer l’harmonie.
Le personnage féminin a l’air très jeune, ce qui lui confère une certaine innocence et la fraîcheur d’un nouveau chapitre qui s’ouvre. Sur son visage se lisent l’apaisement et la joie, mais aussi la sensation de faire partie d’un tout et d’en prendre pleinement conscience. On note d’ailleurs qu’elle ne fait plus qu’un avec l’oiseau qu’elle incarne : ses bras étendus comme pour voler sont doublés d’une paire d’ailes dont l’une prend racine devant son bras droit et l’autre derrière l’épaule gauche. Juste derrière la jeune fille, on devine la Colombe qui l’accompagne à travers la tête d’oiseau qui se trouve à côté de la sienne. Voilà qui vient confirmer l’idée de la connexion entre les êtres présents sur cette carte puisque l’oiseau et la figure féminine semblent se fondre pour former une nouvelle unité.
Tous ces éléments mènent à l’idée de cohésion et d’une harmonie trouvée par l’intermédiaire d’un groupe composé d’êtres qui se ressemblent, ce qu’appuie la manière dont les nuances de couleurs et la lumière sont traitées dans cette illustration : le bas de l’image, d’où s’élève le personnage, est rendu dans un marron bleuté, qui peut faire allusion aux temps difficiles dont on s’éloigne. Tout en haut de l’image se trouve le soleil, vers lequel s’élèvent toutes les créatures représentées. Le chemin qui mène du bas de l’image vers la lumière est composé de tons de bleus, parsemés à certains endroits de points lumineux qui peuvent rappeler les étoiles. Ainsi, l’élévation passe par l’unité avec les siens, qui apporte paix et harmonie, mais aussi une grande sagesse. L’individualisme n’a pas sa place ici, car paix et harmonie ne peuvent être atteintes qu’à travers la mise en commun des énergies de chacun.
Le Rouge-Gorge
Le Rouge-Gorge (29) est lui aussi empreint de douceur et prolonge l’idée du renouveau déjà évoquée par les deux cartes précédentes. Celle-ci est présente dès le premier coup d’œil au centre de l’image, dans la forme que dessine le nid et le halo de lumière dans lesquels se trouvent l’enfant et l’oiseau. En effet, cette partie centrale ressemble à un œuf penché vers l’avant, et les racines entrelacées des arbres sur lesquelles se tiennent les deux êtres constituent un creux qui les accueille et qui n’est pas sans rappeler un nid douillet. Symboliquement, on peut y voir un calice et son pouvoir traditionnellement régénérant, mais aussi une allusion au chaudron qui incarne la gestation et la longue préparation. Ces deux outils sacrés ne sont autres que des représentations de l’utérus et de son rôle à la fois dans le processus de gestation et dans celui de l’éternelle renaissance et du renouveau sans fin. De la même façon qu’une nouvelle vie se développe peu à peu dans l’utérus – qui fait alors office de nid –, l’enfant et l’oiseau se régénèrent et se préparent à renaître et à commencer un nouveau cycle dans leur existence. Voilà qui illustre l’idée de l’éternel recommencement qui est l’une des notions clés de cette carte.
Celle-ci se prolonge d’ailleurs à travers les autres éléments présents sur l’image. En effet, l’espace au sein duquel sont abrités l’enfant et l’oiseau est entouré des quatre saisons, qui s’organisent de façon circulaire afin de mettre en relief l’éternel recommencement du cycle des saisons, et donc la renaissance constante de toute chose. L’hiver se trouve sur la partie inférieure de la carte, c’est-à-dire sous le nid. On remarque qu’il est ainsi lié à la fois au printemps et à l’automne, ce qui insiste sur la notion de continuité ininterrompue et du temps qui passe.
Par ailleurs, la disposition des saisons autour du nid est très intéressante car elle illustre plusieurs des principes véhiculés par cette carte. Tout d’abord, l’importance de vivre en harmonie avec les saisons et d’en suivre le rythme naturel. Ensuite, si l’on observe l’ordre dans lequel elles apparaissent, on note que l’automne se trouve à gauche sur la partie haute de l’image, l’été au centre et le printemps à droite. De plus, les regards de l’enfant et de l’oiseau sont tournés vers la droite, c’est-à-dire vers le printemps. Si cette disposition peut sembler surprenante au premier coup d’œil, elle prend tout son sens lorsqu’on envisage l’image sur le plan symbolique. Habituellement, on représente de gauche à droite le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. Pourtant ici, on constate l’inverse. Ceci n’est bien sûr pas le fruit du hasard, car d’après cette carte il est question d’aller de l’avant en laissant derrière soi tout ce qui n’est plus d’actualité et qui pourrait nous empêcher d’avancer. Sur les supports picturaux, l’évolution de l’ancien vers la nouveauté se fait de la gauche vers la droite, d’où la présence du printemps tout à droite sur l’image. C’est d’ailleurs vers lui que sont tournés les regards de l’enfant et de l’oiseau.
On comprend alors que la scène encourage au dépassement des difficultés que l’on peut rencontrer, notamment en s’éveillant et en se renouvelant pour aborder les choses sous un angle neuf. Les deux créatures semblent également s’élever vers le printemps et le nouveau cycle qu’il promet, prêts à donner les impulsions nécessaires à la réalisation de leurs desseins. Ainsi, le nid permet de nourrir les projets et de prendre soin des graines afin qu’ils puissent s’épanouir par la suite grâce à toute l’attention qu’ils auront reçue.
Comme sur chaque image, l’enfant et l’oiseau ne font qu’un : le bras droit de l’enfant est doublé de l’aile du Rouge-Gorge, et leurs corps sont fondus en un seul qui comporte les deux bras, du cou et de la tête de l’humaine ainsi que du corps et de la tête de l’oiseau. Dans sa main gauche, l’enfant tient une sorte de flocon, mais à la différence de ceux qui se trouvent derrière elle, celui-ci ne semble pas fait de glace. Il est le symbole de ce qui sommeillait jusqu’alors et qui s’éveille, prêt à connaître un nouveau départ et à se développer. Il est ce dont elle prend soin et dont elle contemple l’accomplissement à venir. On note enfin que les parties supérieures des corps de l’enfant et de l’oiseau sont baignées d’un halo de lumière, qui n’est autre que l’énergie régénératrice qui anime l’ensemble de la carte.
Le Canard
Les deux dernières cartes que j’aborderai sont très représentatives de la finesse de l’art de Lisa Hunt. La première est le Canard (9), qui met l’accent sur les aspects anthropomorphes de la Nature, révélant ainsi plusieurs de ses visages. Si le personnage – un jeune garçon – accompagnant l’oiseau se distingue nettement du paysage, il n’en va pas de même pour les autres présences que l’on peut observer sur l’image. Ces différentes figures sont en effet formées par les composants de la nature, tels que les branches des arbres qui dessinent le visage que l’on aperçoit au centre de la partie supérieure de l’illustration. Si l’on observe bien le décor créé par les arbres, on remarque un autre visage un peu plus bas sur la gauche, ainsi que d’autres dans la partie ombragée tout près du tronc de l’arbre le plus gros, puis un autre encore à droite de l’image, lui aussi dans la partie ombragée.
La partie supérieure de l’illustration révèle également une multitude de visages aux yeux les plus observateurs. L’arbre qui possède le tronc le plus gros est lui aussi très intéressant, en cela que les ombres qui y sont projetées donnent une impression de relief et de volumes aux formes qu’elles dessinent. Ainsi, on distingue deux seins de femme au niveau de la première grosse branche de l’arbre puis, en remontant jusqu’à la partie haute du tronc, on peut voir les yeux, le nez et la bouche d’un visage effrayant. À celui-ci s’ajoutent les branches de l’arbre, qui ne font que renforcer la crainte qu’inspire cette figure menaçante. L’ensemble de la scène représentée sur cette carte est réalisé à l’aide de dégradés et de nuances de brun, ce qui ne fait que mettre davantage en évidence la grande habileté de l’artiste.
La Grouse
La Grouse (14) est également un bel exemple d’anthropomorphisme et de métamorphose. Ici, l’oiseau-humain semble émerger de l’arbre qui se trouve au centre de l’illustration, car on peut voir l’écorce ce celui-ci se muer en plumes à la base du corps de la créature. Les tons utilisés pour dépeindre les deux éléments (la créature et l’arbre) sont des nuances de la même couleur, ce qui renforce l’impression qu’elles ne sont qu’une seule et même entité. Par ailleurs, on remarque que la partie des ailes de l’oiseau qui est composée de petites plumes se trouve devant le tronc de l’arbre tandis que celle qui est constituée de grandes plumes passe derrière lui, ce qui accentue encore davantage l’unité de l’ensemble.
Si l’on observe attentivement les éléments qui composent cette image, on distingue une multitude de visages et de formes rappelant des esprits de la Nature. On peut en observer dans l’écorce des arbres, mais aussi dans les feuilles qui jonchent le sol, aussi bien que dans les ombres du feuillage des arbres. Ces traits sont récurrents dans les œuvres de Lisa Hunt et participent à leur profondeur : ils renforcent à la fois la portée symbolique des illustrations et contribuent à stimuler l’esprit de celui qui les regarde en l’invitant au voyage.
Bien sûr, tout ce qui fait l’identité artistique du travail de Lisa Hunt est présent sur chaque carte, comme les entrelacs de branches et de racines qui relient les personnages à la terre, les visages dissimulés dans le décor ou les magnifiques nuances et dégradés de couleurs et de lumière. À travers tous ces éléments, la Nature est rendue vivante et s’anime sous les yeux de qui contemple les cartes. C’est là toute la subtilité et la finesse de l’art de Lisa Hunt qui, en plus de maîtriser parfaitement les techniques liées à son domaine de prédilection, exprime une grande sensibilité quant à la manière de traiter les sujets qu’elle aborde.
Le livret accompagnateur
Le livret de quarante-huit pages qui accompagne les cartes est très bien fait et contient toutes les informations nécessaires à une bonne utilisation du jeu. Après une introduction présentant l’oracle et les intentions de ses créatrices, chaque carte est présentée en détail, à la fois au moyen d’un texte et d’un quatrain. Le texte explique l’éventail de significations de la carte tandis que le quatrain en reprend l’essentiel. Ainsi, les éléments mis en avant par le texte permettent de se remémorer les symboliques culturelles et mythologiques de chaque oiseau… ou de se familiariser avec elles de façon ludique !
Une fois les trente-neuf cartes passées en revues, on en vient aux aspects pratiques. Les dernières pages du livret sont en effet consacrées aux conseils d’utilisation propres à ce jeu, et cinq méthodes de tirage sont exposées. Si les trois premières sont des classiques, les deux dernières ont été créées spécialement pour cet oracle et adoptent des formes propres au monde aviaire telles qu’une queue d’oiseau ou un oiseau tout entier. De cette manière, on associe la thématique du jeu aux intérêts qu’il présente sur le plan divinatoire.
L’idée d’intégrer dans le livret des tirages classiques simples et des tirages originaux est intéressante car elle facilite l’utilisation du jeu pour tout un chacun, qu’il débute ou non en cartomancie. On peut alors faire lentement connaissance avec cet oracle grâce au tirage à une lame dans un premier temps, puis s’orienter vers des analyses de plus en plus poussées au moyen des autres tirages, que l’on peut choisir de découvrir progressivement. Les tirages originaux sont dans la continuité du jeu dans son ensemble et en prolongent la poésie tout en étant très pertinents dans les explorations qu’ils permettent de faire.
Utilisations du jeu
Ce jeu peut être utilisé à différentes fins, notamment pour la divination et pour la méditation. En ce qui concerne la divination, il s’agira davantage d’analyser différents aspects d’une situation que de chercher à faire de la projection par rapport à un événement situé dans le futur. Cet oracle sera d’une aide précieuse pour mesurer les atouts, les forces et faiblesses du consultant par rapport aux dynamiques qui le préoccupent. Les cartes mettent en effet l’accent sur la manière d’appréhender les choses plutôt que sur des éléments purement factuels. Voilà qui est particulièrement intéressant lorsqu’on se trouve dans une démarche d’exploration de soi et que l’on cherche à mieux se connaître soi-même. Ainsi, le jeu met en valeur les aspects introspectifs en offrant la possibilité à qui le consulte de plonger en soi-même pour atteindre ce qui y est profondément enfoui.
Ceci n’exclut pas les approches projectives, qui resteront bien sûr intéressantes, mais il faut tenir compte du caractère intérieur que prendront les prédictions : celles-ci se focaliseront sur la façon dont le consultant abordera les choses et les ressentira plus que sur les éléments extérieurs à sa personne. C’est cette particularité qui amène une autre utilisation de cet oracle. En effet, l’importance de l’exploration intérieure invite naturellement à la méditation, qui est rendue possible ici grâce au caractère poétique que revêt le jeu et à la grande liberté que permet l’omniprésence des références mythologiques. Ainsi, l’esprit peut se laisser porter (et transporter !) par les illustrations qui, comme on l’a vu plus haut, sont d’une incroyable richesse. Les explorations qui en résulteront seront très intéressantes si l’on a des affinités avec les aspects symboliques et mythologiques propres aux oiseaux.
Remarques
The Winged Enchantment Oracle est un jeu magnifiquement réalisé, que ce soit au niveau des illustrations, des textes et des tirages originaux, ou du travail de l’éditeur, qui a été particulièrement soigneux ici. En effet, la minutie est poussée jusqu’au moindre détail, et ce à tous les niveaux.
Les images ont été composées avec la plus grande précision afin de retranscrire visuellement l’éventail de significations de chaque carte. Ainsi, observer attentivement chacune d’entre elles permet de déchiffrer les messages véhiculés par les scènes représentées en procédant de la même manière que ce qui a été fait plus haut. Ceci révèle toute la profondeur du jeu et en dévoile les secrets, à condition bien sûr de prendre le temps de les percer un à un !
La structure des cartes est également à souligner, car elle prolonge l’atmosphère du jeu et l’immersion de l’utilisateur dans les mythologies des oiseaux. Le dos des cartes est particulièrement réussi car en son centre se trouve un motif de style amérindien composé d’un cercle et de plumes. L’arrière-plan est quant à lui constitué de plumes violettes au milieu desquelles on distingue la silhouette d’un oiseau, qui renferme l’élément central. La façon dont le nom des cartes est présenté est également intéressante car elle va dans le même sens que ce qui vient d’être vu : le cadre à l’intérieur duquel figurent le numéro et le nom des cartes est orné de plumes attachées à ce qui ressemble au type d’ornements que l’on trouve dans les cultures amérindiennes.
Quant aux textes que l’on peut lire dans le livret, ils sont fort bien documentés et constituent de très bons points de départ vers les recherches plus poussées que feront à coup sûr les passionnés de mythologies par rapport à ce que représentent les différentes espèces dépeintes dans ce jeu. De la même façon, les tirages inclus dans le livret seront pour les classiques une bonne introduction à la cartomancie, et pour les originaux de très belles découvertes, en accord avec la thématique du jeu.
Tous les éléments dont il a été question dans cet article en font un superbe jeu, pertinent à bien des égards. Nul doute qu’il saura séduire un large public !
À qui ce jeu s’adresse-t-il ?
Bien qu’il puisse sembler peu explicite au premier regard, ce jeu s’adresse en réalité à tout le monde, que l’on soit débutant ou que l’on pratique déjà la cartomancie depuis quelques années. Bien sûr, mieux vaut nourrir un intérêt pour les mythologies touchant aux oiseaux, mais si l’on est curieux et si l’on aime explorer de nouveaux horizons, on saura sans aucun doute apprécier cet oracle !
Les personnes ne pratiquant ni la divination ni la méditation peuvent également se procurer ce jeu si elles sont amatrices d’art et de belles illustrations. La beauté et la finesse des images sera la source de belles explorations tant les détails et les éléments cachés sont nombreux sur les cartes !
Où peut-on se le procurer ?
Non traduit en français, ce jeu est disponible auprès des boutiques en ligne habituelles, qu’il s’agisse de grandes enseignes ou de structures plus petites.
Référence exacte
The Winged Enchantment Oracle Deck (Lesley Morrison, Lisa Hunt). Stamford, CT: U.S. Games Systems, 2015. [ISBN-13: 978-1-57281-673-2; ISBN-10: -157281-673-2]
Remerciements / Acknowledgements
[ENGLISH BELOW] Les images des cartes présentes dans cet article apparaissent avec la permission et la complicité de Lisa Hunt, qui a eu la gentillesse de me les envoyer. Je la remercie vivement pour sa gentillesse et pour le temps qu’elle a passé à tout préparer !
Ces images sont la propriété de Lisa Hunt (© Lisa Hunt Art, 2015) et ne sauraient être utilisées sans son autorisation.
[ENGLISH] The pictures of the cards present in this review appear with Lisa Hunt’s kind permission and generous help. I am very grateful for her kindness and for the time she spent in preparing the illustrations and sending them to me!
These pictures are Lisa Hunt’s property (© Lisa Hunt Art, 2015) and are not to be used without her permission.
(© Morrigann Moonshadow, le 16 juin 2015. Reproduction partielle ou totale strictement interdite.)