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Qu’est-ce qu’un oracle? Quelques éléments de définition
Le terme oracle est souvent employé à défaut d’autre chose, car il est courant de le considérer (à tort ou à raison) comme un terme générique désignant tout objet permettant d’obtenir des prédictions. Ceci est à la fois vrai et faux, au sens où ce seul aspect n’est pas pleinement représentatif de ce qu’est un oracle. Ces quelques paragraphes donneront une vision plus complète de cette notion, afin de pouvoir employer ce terme dans ses différentes acceptions tout en évitant les confusions.
L’oracle humain
Les sociétés primitives et anciennes (Antiquité, Moyen Âge) étaient organisées selon le principe de la tri-fonctionnalité dumézilienne. En d’autres termes, une société est invariablement divisée en trois classes pour bien fonctionner. Ainsi, on a (par ordre hiérarchique) les paysans et les artisans qui forment la classe ouvrière et productive, les guerriers qui incarnent la classe guerrière, et les représentants du culte et du savoir, qui forment la classe sacerdotale. Les rôles de chacune de ces classes sont définis de manière précise :
• la classe productive fournit tous les éléments matériels nécessaires à la société : la nourriture (agriculteurs et éleveurs), les vêtements (tisserands, etc.), et divers services (artisans) ;
• la classe guerrière regroupe tous ceux dont la fonction est de défendre la société des attaques extérieures. Le guerrier se place au-dessus de l’ouvrier, en cela qu’il le protège et lui permet d’exercer son savoir-faire au sein de la communauté :
• la classe sacerdotale compte tous ceux qui détiennent la Connaissance, qu’elle soit sacrée ou profane. On y trouve ainsi les représentants du culte (moines, druides, etc.) et les détenteurs de la Connaissance, qu’elle soit au niveau religieux, spirituel, artistique ou savant. Par exemple, les poètes et les musiciens étant garants du savoir sacré (à travers la connaissance des mythes) et profane (connaissance historique ou liée au monde humain), ils font partie de cette classe. Il est aussi important de noter que chez les Celtes, les druides détenaient à la fois les savoirs sacrés et profanes, en cela qu’ils dirigeaient le culte (fonction monastique) et que l’on comptait parmi eux plusieurs ordres, dont les guérisseurs, les poètes et musiciens (sg. file, pl. filid), etc.
Ces classes sacerdotales, qu’elles fussent celtes, germano-scandinaves, gréco-romaines ou autres, incluaient les devins, car ceux-ci étaient considérés comme ayant eux aussi la capacité de communiquer directement avec le plan sacré et les Êtres Surnaturels. Parmi ces devins, il y a ceux que l’on vient consulter pour obtenir un conseil quant à la façon de mener une bataille ou pour savoir sous quels augures celle-ci se présente. On les appelle « oracles ». Par exemple, les pythies (comme la Pythie de Delphes) sont des oracles célèbres, de même que la Völuspá chez les Germano-Scandinaves (voir le texte éponyme dans les Eddas). Les oracles intercèdent donc avec le plan sacré et sont capables de transmettre les messages des Êtres Surnaturels aux habitants du plan profane. En ce sens, ils sont à rapprocher de la notion de medium qui, au sens strict, désigne une personne qui se situe à cheval sur les deux plans puisque medium signifie milieu en latin.
L’oracle humain est donc une personne ayant des capacités prophétiques. Généralement, il entre dans un état de transe qui lui permet de recevoir les messages à délivrer. La recherche a établi que ces transes étaient très souvent dues à des substances psychotropes (fumigations, encens, etc.) qui les stimulaient. Ceci est en particulier valable pour les pythies. D’autres n’utilisaient pas de psychotropes et recevaient les informations soit directement, soit par l’intermédiaire d’objets qui pouvaient prendre de multiples formes : os lancés par terre, cauris, etc. Certains, pour obtenir l’avis des « dieux », observaient les présages (augures) qui se manifestaient de façon naturelle (formation du vol des oiseaux migrateurs, rythme des saisons, abondance des récoltes, reproduction du bétail, etc.). Il arrivait même que l’on coupe une pomme horizontalement afin de voir la disposition de l’étoile à cinq branches (pentacle) qui se trouve en son sein (cette pratique a toujours cours dans certaines traditions néo-païennes, en particulier en période de Samhain).
L’oracle en tant qu’objet
Lorsqu’on veut définir quel(s) type(s) d’objet(s) on appelle oracle, deux principaux facteurs sont à considérer : la fonction de l’objet d’une part, et sa nature d’autre part.
Anatomie de l’oracle
Comme l’oracle humain, l’objet sert à obtenir des éclaircissements quant à certaines situations. Il peut prendre de multiples formes : jeux de cartes, runes, cauris, os, etc. On utilise un oracle principalement pour trouver un conseil par rapport à un événement. Il permet donc d’analyser les situations pour en avoir un point de vue différent, et par conséquent une meilleure compréhension. La première fonction de l’oracle a donc un but analytique et non projectif. Dans le même ordre d’idées, on l’emploie aussi lorsqu’il s’agit de conduire une introspection, car il reflète ainsi ce qui se passe à l’intérieur du consultant sans que celui-ci en ait clairement conscience. L’oracle permet donc de fournir de précieux éclaircissements dans bien des domaines.
En plus de son rôle premier qui a surtout vocation d’analyse, l’oracle peut aussi dans certains cas émettre des prédictions. On dit alors qu’il est projectif. On notera cependant que la plupart des oracles (dont les runes) n’ont pas au départ de fonction projective. Celle-ci leur a été attribuée récemment, très souvent au cours du XIXème siècle lors des mouvements traduisant un regain d’intérêt pour les anciennes traditions et l’époque médiévale.
Bien sûr, certains oracles peuvent être utilisés à la fois pour leur aspect analytique et projectif lorsque leur nature le permet en combinant les deux fonctions. Cela dit, d’autres ne peuvent être l’un et l’autre à la fois. Dans ce cas, il convient de s’attarder sur l’outil que l’on désire utiliser afin de voir s’il est bien adapté à ce que l’on souhaite faire.
L’oracle analytique
Il ne sert pas directement à obtenir des prédictions, mais à analyser une situation afin de mieux la comprendre… et de donner au consultant les outils nécessaires pour pouvoir réagir au mieux face à son souci. Il n’est donc pas question de s’attendre à des prédictions ici. On consulte ce type d’oracle pour obtenir un conseil par rapport à une situation donnée.
Par exemple, les runes sont un oracle analytique et non projectif, car à l’origine, elles servent à conseiller, et non à prédire. Ce n’est qu’au XIXème siècle que la fonction prédictive leur a été attribuée. Celle-ci, bien sûr, est erronée car contraire aux utilisations qu’en faisaient les Germano-Scandinaves, qui les utilisaient en tant que conseils, mais aussi en tant qu’outils de guérison (entre autres).
Évidemment, il existe des jeux de cartes dont les utilisations sont en adéquation avec ce qui vient d’être exposé ici. On pensera notamment aux excellents oracles de Lucy Cavendish et Jasmine Becket-Griffith, Oracle of Shadows & Light et Oracle of the Shapeshifters, ou à Madame Endora’s Fortune Cards de Joseph Vargo et Christine Filipak, qui peuvent également être utilisées de cette façon.
L’oracle projectif
Il sert à obtenir des prédictions concernant les événements à venir. C’est sans doute le type d’oracle le plus couramment utilisé de nos jours, notamment en cartomancie. Bien souvent, après avoir jeté un œil sur le passé et le présent, on regarde de quelle façon les choses sont sur le point d’évoluer compte tenu des éléments préalablement mis au jour. Ainsi, le consultant peut se projeter dans l’avenir tout en ayant conscience des enjeux de la situation.
Le tarot est-il un oracle ?
Oui… et non ! Dans sa fonction, oui ; en tant qu’objet… non. Le tarot a bien une fonction d’oracle puisqu’on peut le consulter pour obtenir un conseil et analyser une situation tout autant que l’on peut s’en servir dans un but projectif et lever le voile sur l’avenir. Pourtant, par nature (en tant qu’objet), le tarot n’est pas un oracle puisqu’il a une structure fixe bien définie (78 lames réparties en 22 majeures et 56 mineures), contrairement aux autres jeux de cartes appelés oracles, qui possèdent chacun leur structure propre.
(© Morrigann Moonshadow, le 10 octobre 2012. Reproduction partielle ou totale strictement interdite.)
Merci pour cette mise au point, Morrigann. Trop souvent( et même dans le nom des jeux)il y a confusion…… comme c’est agréable de trouver des explications nettes et précises
Coucou Yorkie 🙂
Contente que cela te plaise 😉
Les confusions sont nombreuses, en effet, et souvent dues à des problèmes de terminologie. Par exemple, on lit souvent « les tarots de Mlle Lenormand », alors que le jeu dont il est question (Le Grand Lenormand) n’a rien d’un tarot, justement. En fait, aux XVIIIème et XIXème siècles, on désignait par « tarot » une simple carte divinatoire (différente de celles d’un jeu de 32). Du coup, et en ce sens seulement, un oracle est bien composé de « tarots »… sauf que cette acception, bien qu’obsolète de nos jours, continue d’être employée, mais à tort et à travers…
À bientôt,
Morrigann